Conseil des droits de l’homme
Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée
chargé d’examiner la possibilité d’élaborer un cadre réglementaire
international relatif à la réglementation, à la supervision et au contrôle
des activités des sociétés militaires et de sécurité privées
Première session
Genève, 23-27 mai 2011
Déclaration orale de la Fédération Syndicale Mondiale, organisation avec statut consultatif général (*)
Monsieur le Président,
Les problèmes posés par les activités du mercenariat sont bien connus au sein de l’ONU. Depuis une vingtaine d’années, les experts de l’ONU ont rédigé de nombreux rapports dans lesquels ils ont répertorié les violations massives des droits humains provoquées par les activités du mercenariat. Parmi ces violations, il faut mentionner tout particulièrement l’entrave au droit des peuples à l’autodétermination. Des mercenaires sont également utilisés, en particulier par des sociétés transnationales, dans des répressions de revendications sociales telles que dans l’exploitation des mines.
La prolifération ces dernières années des sociétés militaires et de sécurité privées (SMSP) qui ont recours aux activités du mercenariat ont aggravé cette situation. Désormais, aucun continent n’est épargné par ces activités.
Force est de constater que, à quelques exceptions près, le personnel des SMSP impliqué dans des violations graves des droits humains jouit d’une impunité totale. Or, les Etats sont tenus de protéger les droits humains tout un chacun.
De plus, la forme contemporaine du mercenariat que prennent les activités des SMSP menace le pouvoir de l’Etat et érode sa souveraineté et son monopole de l’usage de la force. La plupart des Etats ont déjà cédé leur pouvoir dans le domaine économique, laissant le champ libre aux forces du « marché ». Laisser la fonction régalienne de la sécurité et de la défense à des organisations privées serait extrêmement dangereuse et conduirait à la fin de l’Etat de droit .
Dans l’idéal, toute activité de mercenariat devrait être interdite, mais au vu de la division des Etats sur la question, il est nécessaire, comme un moindre mal, de réglementer les activités des SMSP. Si certains Etats, comme l’Afrique du Sud, se sont engagés dans cette voie afin de prévenir les violations des droits humains, la législation de nombreux Etats, comme celle des Etats-Unis et du Royaume-Uni en tête, comporte des lacunes qui permettent aux SMSP d’agir plus ou moins à leur guise. D’où la présence d’ailleurs d’un nombre élevé des sièges de SMSP sur les territoires de ces deux pays.
Bien entendu, une réglementation à l’échelle nationale ne saurait suffire si elle n’est pas accompagnée d’une réglementation à l’échelle internationale, étant donné le caractère transnational des activités des SMSP.
Or, le Protocole I des Convention de Genève et la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires ne correspondent plus à la réalité et ils sont très facilement contournés par des SMSP. Par ailleurs, le faible nombre de ratification enregistré par la Convention sur les mercenaires et l’absence d’un mécanisme de surveillance rendent cet instrument non opérationnel.
La persistance des violations massives et graves des droits humains démontre que les Codes de conduite volontaire, adoptés par des SMSP, sont inefficaces et insuffisants. Le Document de Montreux, proposé par un groupe d’Etats, est de même nature et il est loin de répondre aux défis posés par les activités des SMSP. A ce propos, il faut rappeler que le rôle des Etats est d’édicter des lois et de les appliquer.
Pour toutes ces raisons, il est indispensable d’adopter de nouvelles normes internationales afin de réglementer et de surveiller les activités des SMSP. Le Groupe de travail d’experts sur l’utilisation de mercenaires comme moyen d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a présenté à la 15ème session du Conseil des droits de l’homme un projet de Convention sur les SMSP. Ce projet constitue à nos yeux un minima indispensable que le Conseil de droits de l’homme devrait adopter. Comme nous l’avons déjà souligné, les Etats, conformément à leurs obligations en vertu du droit international en général, du droit international humanitaire et des droits humains en particulier, sont tenus de protéger toute personne, de prévenir et -le cas échéant- de sanctionner toutes les violations des droits humains. L’adoption du projet de la Convention sur les SMSP, proposé par le Groupe de travail d’experts, permettrait aux Etats de ne pas abdiquer un attribut indispensable à leur souveraineté.